Ce n'est plus un secret pour personne : pour produire certains AAA grandiloquents de l'industrie, bon nombre de studios n'hésitent pas à mettre leurs équipes sous pression pendant de très, très longs mois. C'est ce que l'on appelle le "crunch". Et c'est mal. Très mal. Cela va-t-il enfin changer ? Peut-être bien.
Autrefois murés dans le silence, les petites mains de l'industrie du jeu vidéo ont depuis plusieurs années décidé de prendre la parole pour dénoncer les conditions de travail parfois insupportables : entre les tristes exemples de Telltale (et son crunch "obligatoire"), de CD Projekt RED (et son crunch "humain") ou encore de Naughty Dog (qui évite d'employer le terme), la liste est longue, et non-exhaustive.
Et pourtant, il ne faudrait pas voir seulement la moitié vide du verre : deux studios viennent en effet d'annoncer de profonds changements dans leur fonctionnement, afin de rendre la vie de leurs équipes plus simples. Il était temps.
Pas de bras, pas de crunch ?
Il y a deux jours, les français de DONTNOD faisaient part de leur intention de banaliser entièrement le travail à domicile : les employés des bureaux de Paris ou de Montréal pourront désormais travailler de chez eux sans avoir à le justifier. Sondé en interne sur ce dispositif, 87% du personnel s'est prononcé en faveur de cette nouvelle liberté, désormais entérinée par la direction, et qui va même permettre d'élargir les recrutements :
Pendant la crise sanitaire, nous avons dû rapidement adapter nos processus de travail et nos outils de communication pour assurer une organisation efficace, et une connexion continue pour tous nos employés. Nous nous sommes rendu compte que le télétravail s'avère plus adapté pour certains, car il offre un équilibre travail-vie plus en phase avec leurs besoins. Ce choix nous permettra d'étendre notre recrutement à toute la France et au Québec pour trouver de nouveaux talents.
Matthieu Hoffmann, directeur des ressources humaines
Les faits semblent déjà leur donner raison, puisque DONTNOD est parvenu à sortir deux titres durant la pandémie qui n'en finit pas de s'éterniser : Tell Me Why et Twin Mirror.
La passe de quatre
Des son côté, le studio Young Horses, qui accouchait l'an passé d'un certain Bugsnax et le célèbre Octodad: Dadliest Catch, annonce aujourd'hui son passage à des semaines de quatre jours, soit 32 heures de travail hebdomadaires. Contrairement à Rockstar et ses concours réguliers de "qui-qui-restera-le-plus-tard", la direction tente de ménager ses troupes au quotidien :
Autant donner aux gens la tranquillité d'esprit, et leur faire savoir qu'ils peuvent se détendre pendant leur temps libre. Si nous sommes tous plus heureux d'être au travail parce que nous sommes bien reposés, je pense que nous nous porterons mieux à long terme. Notre petite équipe fonctionne simplement par rapport çà des grands studios, la prise de décision y est rapide, et c'était une décision plus facile à mettre en œuvre qu'au sein studio qui doit obtenir l'adhésion de tous les départements.
Phil Tibitoski, président de young Horses
En ces temps troublés, DONTNOD et Young Horses tentent donc de changer drastiquement leurs méthodes de travail, et montrent l'exemple dans une industrie qui se vante encore trop souvent de sacrifier la vie personnelle des petites mains pour sortir à temps des AAA stratégiques. Espérons que cette envie de bien faire en inspire d'autres, car certains oublient trop souvent que derrière leurs jeux préférés, il y a aussi des êtres humains, dans toute leur fragilité.
Le crunch sera-t-il bientôt ringardisé ? À vous de nous faire part de votre avis sur cet épineux sujet dans les commentaires ci-dessous !